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Le travail, activité générique ou aliénation?

La réflexion sur le travail est difficile, parce que, dans tous les modes de production connus à ce jour, le travail a toujours deux faces: il est à la fois aliénant et désaliénant, mise en jeu des capacités, compétences et facultés humaines et détournement de ces facultés et compétences, ou, pour reprendre les termes de Marx, travail concret et travail abstrait. Comme travail concret, l’individu se réalise dans son travail en produisant des biens et des services ou il objective ses capacités et ses talents ; mais comme travail abstrait, le travail est production de valeur et de plus-value, de richesse sociale dont la destination lui échappe. Et l’on ne peut avoir l’un sans l’autre, travail concret sans travail abstrait (sauf cas particulier de travail indépendant ou le producteur travaille pour lui et jouit intégralement du fruit de son travail). Ce double aspect est exacerbé par le mode de production capitaliste dans lequel toutes les compétences du travailleur sont mobilisées au service du seul travail abstrait, de la production de valeur et de plus-value. S’il en allait autrement, on ne comprendrait pas l’exaspération des travailleurs brutalement licenciés, qui, alors qu’ils s’étaient investis dans leur travail avec tout leur savoir-faire et leur énergie, découvrent qu’en réalité ils travaillaient pour les actionnaires.

Comme travail concret, le travail contient un élément de liberté, mais qui est toujours subordonné eu travail abstrait. C’est cet élément de liberté que s’efforce de mettre en valeur - avec un certain succès semble-t-il - le discours de l’entrepreneur : le travail serait le lieu de l’épanouissement personnel et de la réalisation de soi, etc... Si ce discours convainc, et si l’entreprise en vient un passer pour un lieu ou s’échangent des services mutuels - l’employeur « donnant » du travail, le salarié apportant ses compétences, le tout au service de l’utilité générale -, alors on peut dire que la lutte des classes est gagnée - gagnée par la classe capitaliste -, et que l’on doit s’attendre à la disparition de la plupart des acquis sociaux, obtenus par les luttes contre les formes aliénées et exploitées du travail.

Le goût impénitent pour le travail qui saisit aujourd’hui toute la société, si justifié qu’il soit par le désir d’indépendance et la volonté de gagner sa vie et de jouer un rôle dans la société, est et restera ambigu ; car l’indépendance n’est pas encore la liberté, et la liberté qu’on obtient au sein du travail, si valorisant soit-il, est toujours limitée et souvent précaire; quant à l’idée que le travail fournirait les moyens de s’épanouir hors-travail (par le salaire), elle fait partie de l’argumentaire de ce qu’on nous présente comme « la société de consommation », car à travail aliéné correspondra toujours une consommation et des loisirs eux-mêmes aliénés. Bien plutôt s’agit-il d’approfondir l’élément de liberté inscrit dans le travail en luttant pour de meilleures conditions de travail et une autre organisation du travail, et ce afin de gagner le droit à la véritable liberté qui se situe dans la participation à la vie publique et aux réalisations de la culture.

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