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Faut-il faire l'éloge de la différence ?

L’époque est à la valorisation de la différence. Cette valorisation correspond à une revendication légitime de l’individu qui, tout en se pliant aux règles communes, veut exister comme individu et marquer sa différence. Cette volonté correspond à un droit, reconnu en démocratie , à penser par lui-même (« sapere aude »..), à utiliser les libertés publiques comme celle de la liberté d’expression, et à ne pas se plier devant les conformismes toujours renaissants. En dernière analyse, elle repose sur le constat de la diversité inhérente à l’espèce humaine, celle des peuples et des cultures, celle des expériences des individus et de leur manière de voir le monde, et on ne saurait la réduire sans qu’il en résulte un considérable appauvrissement. La diversité est source d’enrichissement mutuel.

Méfions-nous pourtant de l’utilisation idéologique du thème de la différence. Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, les différences sont moins grandes qu’on ne le prétend, et consistent surtout dans l’exhibition de petites différences, portant sur les goûts et les couleurs, et qui n’empêchent pas l’homogénéisation des manières de vivre et de voir. Si l’on aimait réellement la différence, il faudrait mieux supporter celle des cultures autochtones, partout en voie d’extinction, et mieux traiter la nature et les autres espèces que la notre. En ce sens, l’affirmation d’un droit à la différence est symptomatique de la négation universelle de ce droit et exprime surtout une réaction morale chez ceux qui désapprouvent cette négation.

Par ailleurs, la valorisation de la différence est ambiguë, et peut servir autant à discriminer qu’à combattre les discriminations. On peut justifier les inégalités- celles que subissent les femmes, les gens dits « de couleur », les minorités éthniques ou culturelles-, en les fondant sur leurs différences; et c’est au nom de nos différences de blancs occidentaux de culture chrétienne que le Front national refuse l’intégration de certaines catégories d’immigrés.

Enfin, l’accent mis unilatéralement sur la ou les différences sépare les individus plus qu’il ne les rassemble, et à la limite empêche de faire société: on voit partout fleurir des communautés et des minorités repliées sur leurs différences, la société se délite, l’esprit de clocher et de corporatisme gagne du terrain.

Il faut reconnaître et valoriser les différences, celles des handicapés, des femmes, des minorités culturelles, des peuples dont la culture et les traditions différent des notres, mais seulement pour mieux les intégrer au sein de la famille humaine. Et cette reconnaissance, loin de stigmatiser ou d’exclure, doit toujours être telle qu’elle porte à renforcer les ressemblances, à rapprocher, et à mettre en valeur ce que nous avons en commun. Tous les hommes sont des hommes, partagent la même nature humaine, et parce que cette nature humaine est plastique, éducable, et perméable à l’éducation, elle produit de la diversité. A ce titre, reconnaître la différence de l’autre, c’est reconnaître notre appartenance à la même humanité et s’en réjouir, et c’est affirmer la fraternité humaine. C’est ainsi que la diversité peut être source d’enrichissement. Ce qui n’empêche pas de condamner l’expression violente des différences quand elles portent manifestement atteinte au droit commun de l’humanité.

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