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Le monde animal, la prospérité du genre humain justifie-t-elle sa destruction ?

L’information a récemment paru dans les médias selon laquelle, au cours des 4O dernières années, 50% des espèces animales terrestres avaient disparu. Cette information a certes été considérée suffisamment importante pour justifier sa diffusion dans les principaux médias, mais pas assez néanmoins pour retenir longtemps l’attention et accaparer l’actualité. Cette discrétion peut s’interpréter de différentes manières, comme relevant du scepticisme, de l’indifférence, ou de la résignation, mais quoi qu’il en soit, il semble acquis que pour l’opinion publique la destruction en cours des espèces animales terrestres (il s’agit bien entendu des espèces sauvages, non domestiquées par l’homme), est le prix à payer pour la marche en avant de l’humanité.

Ce qui repose une question mille fois déjà posée et qui n’est toujours pas tranchée: celle du statut des animaux. Sont-ils des « choses » (au sens juridique du terme) dont on peut disposer à son gré, ou sont-ils au contraire des quasi-personnes, dotées à ce titre de droits? Pour les évolutionnistes, les animaux sont nos parents, et plus ils se rapprochent de nous dans les embranchements de l’évolution, plus le lien de parenté est étroit. Pour les croyants, les animaux sont l’œuvre de Dieu; qui a voulu leur existence comme faisant partie du plan de sa Création. Dans les deux cas, les exterminer est un crime, qui revient soit à assassiner ses parents, soit à attenter à la Création divine. En fait, et à l’échelle où il est perpétré, il s’agit du plus grand crime perpétré par l’homme depuis qu’il y a des hommes sur la Terre. La seule façon de se disculper d’un tel crime, c’est de considérer que l’homme a droit de vie ou de mort sur toutes les créatures hors sa propre espèce. Mais la Bible ne dit rien de tel, et elle enjoint au contraire aux hommes de prendre les animaux sous leur garde, comme le fit Noé lors du Déluge. Quant au point de vue évolutionniste sur la question, il n’implique l’élimination des animaux que si l’on admet que tôt ou tard, tous les animaux sont destinés à devenir des hommes (ce qui risque d’être un peu long pour les animaux microscopiques).

Abstraction faite du respect dû à la Création divine, de bons arguments en faveur de la protection des animaux peuvent être tirés de l’écologie. La disparition de nombreuses espèces ne peut que déséquilibrer les chaînes alimentaires et les écosystèmes qui en dépendent, avec des conséquences catastrophiques pour l’homme comme la pullulation d’insectes nuisibles. Plus grave encore est l’approche à la fois esthétique et éthique de la question. Esthétique, car détruire la diversité du monde animal, c’est se priver d’une source inépuisable de beauté et d’émerveillement, et c’est tuer du même coup une bonne part de l’imaginaire( en prétendant lui substituer un imaginaire de pacotille fondé sur l’admiration pour la technique). Ethique, car la cruauté envers les animaux et l’indifférence à leur sort signe une atrophie de la sensibilité qui n’est pas sans con- séquence pour les rapports des hommes entre eux, et l’on passe vite de la violence faite aux animaux à celle exercée sur les hommes.

Finalement, la question est de savoir dans quel monde les hommes veulent vivre, et cette question ne peut être réglée que démocratiquement. Il n’est pas sûr que les gens considèrent comme une fatalité la destruction de la vie sauvage au nom du développement, il faudrait le leur demander après les avoir correctement informés sur les enjeux. Et il n’est pas sûr que la prospérité du genre humain bien comprise exclut celle du monde animal. Ce qui l’exclut, c’est seulement le développement à outrance au nom de l’impératif de profit.

Lecture: Elisabeth de Fontenay « Le silence des bêtes » (Fayard)

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