Du point de vue juridique, un étranger est quelqu'un qui n'a pas la nationalité du pays, même s'il en partage la culture. En droit français, cela signifie : 1) qu'il n'est pas l'enfant d'au moins un parent français (droit du sang) 2) que, étant l'enfant de parents étrangers, il n'est pas né sur le sol français (droit du sol) *. Les débats sur l'acquisition de la nationalité tiennent au fait que cette acquisition ouvre à la citoyenneté, donc à la jouissance des droits civils et politiques, et que cette acquisition est jugée trop libérale par les uns, et pas assez par les autres, en ce qui concerne tous les français qui ne sont pas dits « de souche » (nés de deux parents français). S'y ajoutent les questions de la naturalisation (par mariage, service rendu à la nation, etc..) et de la déchéance de nationalité (pour les étrangers naturalisés ayant commis des actes représentants un danger pour la nation).
L'étranger qui souhaite acquérir la nationalité doit manifester sa bonne volonté à adhérer aux valeurs et usages du pays d'accueil en se soumettant à un entretien afin de vérifier sa capacité d'assimilation ; il doit aussi avoir séjourné dans le pays un certain temps, et disposer de ressources . Ces mesures sont jugées par certains excessives, voire discriminatoires.
Ces précautions à l'égard de l'étranger renvoient à l'idée de nation comme ensemble homogène, comme à l'idée de République apte à fédérer des citoyens tous unis par une communauté de valeurs; les principes mêmes de notre République - liberté, égalité, fraternité - présupposent l'ouverture à l'étranger, la République fonctionnant comme un creuset qui, à partir d'individualités venues de tous horizons, construit un corps de citoyens ; mais la République est aussi une nation qui doit se protéger et maintenir son identité dans le voisinage d'autres nations qui font de même.
C'est ce double mouvement d'ouverture et de fermeture qui rend compte de l'ambivalence dans l'attitude vis-à-vis de l'étranger : il est à la fois le bienvenu, et suspect de vouloir profiter des avantages de la nationalité sans en assumer les charges. Ce qu'on pourrait dire aussi bien de nombreux français « de souche », ceux qui cherchent à échapper au fisc, ou qui se désintéressent de leurs prérogatives de citoyens, ou qui vivent d'une manière ou d'une autre aux crochets de la société.
En somme, la question de l'étranger divise, une division qui pointe une crise des valeurs et des institutions de la République : il ne suffit pas d'être un « national » pour en épouser les valeurs, il ne suffit pas d'être étranger pour les ignorer. Qui est l'étranger au juste ? La question devient brûlante quand un français à la fois ignore les valeurs nationales et est descendant d'étrangers.
Le débat se clôt sur la lecture d'un texte extraordinaire, témoignage vécu de l'une des participantes et hommage funèbre à son père, ukrainien chassé de son pays par la barbarie nazie et immigré en Lorraine. Par-delà les controverses sur le bon et le mauvais étranger, ce texte en dégage une figure universelle qui va très au-delà des approches parfois réductrices abordées dans le débat : parce qu'il a tout perdu, l'étranger qui vient chez nous nous interpelle et met à l'épreuve nos principes, afin que nous lui accordions comme une seconde naissance et le droit à retrouver une place parmi les hommes. Un tel droit est sacré. Et c'est avec de tels étrangers que l'on fait les meilleurs français.
* pour plus de détails, on consultera avec profit Internet à la rubrique « nationalité »