Les notions de patrie, de nation, voire de peuple, sont souvent confondues ; de plus, la définition de chacune d’elles est variable : la nation dans son sens moderne est une invention de la révolution française, mais on parle de « nation sioux » dans un sens très différent ; le « peuple » est actuellement une notion politique - le détenteur de la souveraineté -, mais sous les rois c’était plutôt une notion sociologique - l’ensemble des sujets ; et l’on parle aussi du « peuple » pour le distinguer des élites, ou, sous les rois, des privilégiés.
La nation est « une et indivisible » ; c’est donc, en principe, une république ; mais les Etats-nations sont constitués en Europe dès le traité de Westphalie, et leur unité est donnée par un Etat, un territoire, une religion, et des frontières ; et ce sont des nations sans être des républiques. Aujourd’hui, l’unité est plutôt donnée par une volonté commune de vivre ensembles et par la soumission volontaire à une loi commune (la constitution), et elle n’est pas remise en cause par la modification des frontières ou la pluralité des religions (elle peut l’être toutefois si l’État perd de ses prérogatives au profit d’instances supra-nationales, et c’est le sens de certaines critiques actuelles).
Le culte de la nation conduit-il au nationalisme, et le nationalisme est-il critiquable ? On sait d’expérience qu’il mène aux guerres, et on sait qu’aujourd’hui il tourne le dos à la mondialisation, tenue pour incontournable. La nation a été une étape dans la construction de la France, et elle reste un marqueur d’identité ; il ne faut pas trop se presser d’y porter atteinte, mais pas trop non plus se crisper sur son repli. l’État central peut déléguer certaines prérogatives, tenir compte des volontés d’autonomie régionale, se plier à des règles communautaires au sein de l’Europe, sans que l’unité nationale soit pour autant menacée ; et l’on voit par exemple qu’il existe une nation américaine constituée d’Etats largement indépendants.
Plus que le sentiment national, ce qui assure l’unité du pays, c’est le sentiment patriotique. Il se renforce certes quand le pays est menacé par une guerre, mais il peut et il doit être aussi vif en temps de paix : c’est l’amour du pays, de sa géographie, de son histoire, de ses paysages, de ses monuments, de sa culture, des mœurs qu’on y trouve, et bien entendu de ses institutions démocratiques. L’ensemble constitue le patrimoine, qu’il faut aimer pour pouvoir le défendre. Et il n’est pas mal venu à son sujet de parler de « racines » : dans la patrie, on a des racines, on s’y sent chez soi. Cela n’empêche pas l’ouverture, ni qu’on n’apprécie l’étranger, et même qu’on lui fasse bon accueil, s’il est disposé à aimer sincèrement le pays ; et le patriotisme bien tempéré fonde l’idée d’un bien commun et d’une appartenance commune, sans lesquels une société n’est pas viable.