D’après le livre de Daniel MIZRACHI intitulé : « La religion », paru en 2017 aux Editions AMALTHEE.
Appréhender le monde des religions est une tâche plutôt délicate. Surtout pour quelqu’un qui n’en pratique aucune. Mais l’observation de l’environnement nous amène à chercher à comprendre, à être curieux, et la curiosité est le début de la réflexion philosophique. Que sont les religions, que s’y passe-t-il, qu’y trouve-t-on, qu’éprouve-t-on ? Et pour tout dire, comment en construire une ?
La curiosité envers cet aspect essentiel de la vie humaine m’a amené à lire, écouter, observer ce que l’on retrouve partout, dans tous les pays, dans toutes les cultures : des religions. Partout de la religion, mais pas forcément tout le monde en religion. J’ai donc structuré mon ouvrage en cinq parties comprenant chacune neuf sous parties.
Dans un premier temps j’ai voulu comprendre ce qui motive le recours à l’outil religieux, d’où la recherche des fondements d’un tel univers : la peur du néant, l’inconfort du doute, le besoin de sacralisation, le recours aux mythes, la tentation mystique, la crainte de la mort, le désir de vie, la permanence de l’espérance, la place de la liberté.
Dans un second temps j’ai recherché ce qui était nécessaire à la fondation d’une religion : la nature d’un sacré, la nécessité d’un temple, le lien d’une communauté, des écrits inspirés, le dévouement de prêtres, la pratique de rites, le ressenti d’une foi, le recueillement dans la prière, la récréation par les fêtes.
Dans la troisième partie, j’ai considéré que chaque religion avait une origine historique, un lieu de naissance, un contexte culturel et recelait du sens et des pratiques en conséquence. J’ai donc décrit très simplement neuf ensembles religieux : l’animisme proche de la nature, le polythéisme aux multiples possibilités, le judaïsme législateur, le christianisme charitable, l’islam protecteur, l’hindouisme multiforme, le bouddhisme apaisant, le taoïsme cosmologique, le confucianisme familial.
Dans une quatrième partie, je constate, hélas, les revers de toutes ces belles médailles. J’ai fait des constats à travers des voyages instructifs : partout des conflits religieux, des schismes en tous genres et tous azimuts, des conquêtes militaires pour répandre une croyance particulière, des combats de la spiritualité pour s’imposer de force (page 100), les confrontations de cultures lors de migrations, et puis il existe des relations géométriques entre religions, des difficultés pour connaître les langues anciennes aujourd’hui pratiquement disparues, des discours politiques de type religieux, et au bout du compte des discrédits des religions par elles-mêmes lorsqu’elles pratiquent le contraire de ce qu’elles prônent.
Enfin, dans une cinquième partie, je tente de recenser les attitudes possibles pour échapper aux discours religieux qui peuvent poser des problèmes dans la vie quotidienne : la négation par l’athéisme, la suspension par l’agnosticisme, l’abstention par la laïcité, la situation de profane, la maladie de la superstition, la compréhension du croyant, l’attitude philosophe, la position humaniste et pour finir le rôle de l’amour.
À l’issue de cette traversée de concepts liés aux religions, j’ai conçu trois choses. La première est qu’on ne peut pas comparer ou associer entre elles deux ou plusieurs religions, car chacune dispose d’une réelle spécificité. Imagine-t-on par exemple de vouloir harmoniser les règles du rugby et du football ? Cela n’aurait aucun sens.
Néanmoins, on peut vouloir discuter, communiquer entre participants de religions différentes. Pour cela il faudrait utiliser deux statuts précis : ceux de profane et d’initié. Être initié, c’est l’être dans une religion, mais alors on est profane des autres religions. Donc deux initiés de deux religions sont profanes chacun l’un pour l’autre. Où peuvent-ils se rencontrer pour débattre et peut-être s’entendre ? Sur un parvis. Qu’est-ce qu’un parvis ? Les religions scindent leurs lieux de culte en trois parties. Le parvis, lieu public de rencontres avant d’entrer dans un temple. Puis, le lieu de prière où se rejoignent les fidèles. Enfin un lieu réservé aux seuls prêtres, le saint des saints, où l’on préserve l’absolument sacré.
Dernière observation, une espèce de surprise, il n’est pas nécessaire de disposer d’un dieu pour définir une religion.
Maintenant, venons-en à cette construction d’une religion. Tout d’abord il faut du sacré, c’est-à-dire qu’il faut sacraliser soit une personne, soit une idée, soit un objet et le rendre intouchable, éternel et parfait (pages 28 et 43). Ensuite, il faut définir un lieu, tracer un trait sur le sol, pour considérer l’endroit comme inviolable par quiconque, croyant ou pas. Puis il est nécessaire qu’existe une communauté de participants, car il n’y a pas de religion dans la solitude, bien au contraire elle est par principe la réunion d’une collectivité. Ensuite, des écrits, parfois très anciens, d’auteurs connus ou inconnus, posent les bases d’une pensée religieuse, d’une bonne morale, d’une beauté pure. Pour faire vivre le collectif et le structurer durablement, il y a besoin de gens dévoués pour garder le temple et organiser les réunions, c’est-à-dire des prêtres. Pour faire le lien entre le réel concret et l’abstraction des croyances il faut des rites, c’est-à-dire des gestes appropriés, des offrandes, un cérémonial. Au milieu de tout cela, on ne se sent bien et infiniment heureux, que si on ressent en soi cette chose subtile, invisible, inmontrable et indémontrable qu’est la foi. Dès lors le fidèle peut pratiquer ce recueillement personnel doux et solitaire qu’est la prière. Enfin, l’adhésion à une religion peut être ressentie comme contraignante à cause précisément de son caractère moral et collectif. La dernière étape de la construction sera donc la création de moments festifs. C’est d’ailleurs par les fêtes, ces périodes permissives pleines de réjouissances, que nombreux sont ceux qui restent attachés à leur religion malgré des prises de distances quant à la foi.