Consentir, c’est accepter sans approuver pour autant. On consent à une baisse de salaire pour garder son emploi, on consent à payer ses impôts bien qu’on les trouve trop élevés, une femme consent à une aventure sexuelle avec un homme dont elle est l’obligée, on consent aux tâches ménagères car il faut bien qu’elles soient faites ; on ne peut pas dire que le consentement soit forcé, car il requiert un minimum d’adhésion ; mais on ne peut pas dire non plus qu’il soit voulu sans réserve, qu’il soit un plein consentement.
Une part d’ombre entoure toujours le consentement, c’est un « oui », mais plus ou moins extorqué, on y fait de nécessité vertu. Aussi bien la formule consacrée : » consentez-vous à prendre pour époux (ou pour épouse) » est-elle fautive, sauf si les futurs mariés éprouvent en leur for intérieur quelque réserve, et il faudrait dire : « voulez-vous »…
C’est toujours le pouvoir qui réclame le consentement, car il s’en contente, et pour lui il a valeur d’approbation. En principe, refuser de consentir est simple : il suffit de dire non. Mais c’est compter sans la manipulation, et le pouvoir s’y entend. Quand le dictateur dit « c’est moi ou le chaos », il n’y a plus qu’à consentir ; de même quand le patron donne à choisir entre la réduction de salaire ou le licenciement sec. On consent à tel état insatisfaisant de la société, faute d’être à même d’y porter remède ; il se peut que ce consentement soit fautif, et qu’on consente trop vite ; comme il se peut que la situation nous dépasse, et qu’il n’y ait rien d’autre à faire qu’à y consentir, comme d’accepter de limiter les entrées de migrants sur le territoire, bien qu’il s’agisse de drames humains. Dans tous les cas le consentement est un compromis boiteux, le choix du mauvais contre le pire.
Il peut pourtant y avoir un usage positif du consentement. C’est le cas lorsqu’on consent à pardonner une offense : on ne peut pas dire qu’on le fasse d’enthousiasme, mais c’est néanmoins un consentement libre, auquel on n’est pas tenu.
Quant à la question, qui défraie actuellement la chronique, de savoir si des femmes abusées ont consenti, il est évident que non, et il y en a assez de signes. Ce qui pose malgré tout la question des limites du consentement : à cause de son caractère ambigu, entre le oui et le non, l’abuseur (le détenteur d’un pouvoir) suppose que l’abusé(e) a consenti à tout, alors qu’il (ou elle) n’a consenti tacitement qu’à certaines choses. Et ainsi le détenteur du pouvoir en profite : sa victime n’avait-elle pas, d’avance, consenti ?