La vitesse est-elle dépassée ?
- cafephilotrouville
- il y a 2 jours
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Adrien Motel et Anne-Marie Michaux
Présenté le 26 Avril 2025
Comment est née l’idée de ce sujet ?
J’ai eu le plaisir l’année dernière de vivre une croisière en Méditerranée, durant laquelle Adrien a tenu une conférence sur le Normandie, nous faisant vivre brillamment, la compétition sans merci, (le duel même!) que se sont livrés les deux plus grands paquebots des années trente, le Normandie (France) et le Queen Mary (GB) pour obtenir le fameux Ruban Bleu.
Peu après, m’est venue une réflexion lorsque nous naviguions autour de 15 noeuds : Pourquoi de tout temps, les hommes ont-ils cherché à repousser leurs limites physiques, à aller de plus en plus vite, en inventant toutes sortes de moyens pour y parvenir ?
Pourquoi avec l’accélération au XXème siècle, a-t-on fait de la vélocité le vecteur du progrès ?
Dans un contexte qui porte à croire que tout s’accélère, que tout va très vite (trop?), où les nouvelles technologies et l’IA rendent la transmission des données de plus en plus rapide, que nous avons l’impression d’instantanéité, penser la vitesse (et en miroir la lenteur) est un questionnement au coeur de la réflexion sur notre humanité, aujourd’hui et demain.
Au cours de cette séance nous allons prendre le temps d’ analyser ce questionnement, qui est à la fois anthropologique, sociologique, philosophique et tenter d’y apporter des éclairages et quelques perspectives.
Nous avons choisi avec Adrien de traiter ce thème dans la 1 ère partie, d’abord d’un point de vue historique (Adrien est historien) et de nous intéresser également à l’approche économique.
Dans une 2 ème partie, nous aborderons la question du retour et de la valorisation de la lenteur, pour enfin dans une 3éme partie, envisager dans le cadre d’une “battle “ vitesse/lenteur, quelles sont ou seront les activités pour lesquelles la vitesse restera un atout, et quelles sont celles qui gagneront à être conduites en ralentissant.
Adrien
Définition
Vitesse : Allure à laquelle se produit un phénomène, temps pris par quelque chose pour évoluer, se transformer, se produire, etc. Dictionnaire Larousse 2024
Introduction
Le 3 juin 1935, peu après 17 heures, Radio-Cité interrompt son programme musical. D’une voix nasillarde, typique de son époque, le speaker de déclamer “Le Ruban bleu est français ! Non seulement Normandie est de tous les paquebots le plus grand, le plus confortable et le plus sûr, mais il est aussi le plus rapide du monde, ajoutant ainsi un laurier supplémentaire à ce faisceau de suprématie”.
Si cet épisode déflore le souvenir d’un monde révolu, il n’en est pas pour autant anecdotique. Il fait partie de notre Histoire tant il compose le paroxysme d’un temps ou, d’une rive à l’autre de l’océan, se pressaient des foules immenses pour acclamer les records de vitesse des plus grands paquebots du monde. Récompense prestigieuse, le Ruban bleu ornait le mât de l’arche d’acier qui avait su défier les éléments plus vite que tous les autres.
Un siècle durant, cette médaille d’or de l’océan sera un véritable étendard pour les nations qui se livrent alors la concurrence sur terrain bleu, suscitant dans leurs sillages d’intéressants phénomènes de masse.
La contrainte naturelle pèse sur la vitesse
Le sujet de la vitesse n’est pas nouveau. Il est même aussi ancien que l’appréciation que l’Homme porte à son espace. Depuis qu’il a conscience d’évoluer dans une géographie paradoxale, puisqu’elle est à la fois gigantesque de par une circonférence planétaire de 939 885 629,3 km mais aussi limitée du simple fait de sa finitude, l’Homme n’a cessé de chercher le mouvement, d’accélérer le rythme de ses déplacements afin de les accorder au rythme de ses activités économiques, sociales ou culturelles.
S’il commence à atteler des bovins à des véhicules à roues au IVe millénaire avant J.-C, ce n’est qu’avec l’établissement des premières installations portuaires antiques que commence à s’ébaucher une première mondialisation de ses déplacements. Peu à peu, les continents s’assemblent et relient les peuples qui les habitent. Pour ce faire, le mouvement humain suppose un axiome commun à tous, puisque ce n’est qu’à la faveur du mariage des forces de la nature (traction animale, propulsion vélique) aux forces de la vie (usage de la puissance physique) que les mouvements humains sont rendus possibles. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, que ce soit pour une caravane vers les Indes ou une flottille en partance vers les Amérique, la rapidité des déplacements humains demeure sévèrement conditionnée aux forces des élements.
La révolution industrielle bouleverse tout. À mesure que se modernisent les appareils étatiques que s'uniformisent les unités mesures et que se synchronisent les heures nationales, les découvertes scientifiques intensifient les possibilités données à l’Homme pour décupler à la fois la puissance de son mouvement et l'organisation de sa vie courante. Machine à vapeur, maîtrise des ondes, production d’électricité, mise en réseau du gaz, déploiement de l’acier, autant de principes élémentaires posés par une armée de pionniers tout au long du XIXe siècle.
Ces éléments accompagnent naturellement l’émergence d’un nouveau modèle économique lui-même fondé sur un principe capitaliste, sur une forme productiviste et sur une logique mercantiliste. L’énergie centrale à l’existence de ce modèle, c’est essentiellement la captation et l’exploitation - si possible illimitée - des possibilités offertes par une vitesse qui puisse être humainement maîtrisée. Le XXe siècle, qui se profile alors, laisse entendre qu’il sera celui du triomphe absolu de la notion de vitesse. Mais aussi celui d’un profond changement des modes de vie, qui va redéfinir la nature anthropologique de la vie sociale.
L’exploitation énergétique décuple la vitesse
La première manifestation de ce bouleversement est heureuse, intervenant dans le tourbillon de la Belle époque. Désormais, à la faveur d’une multiplicité de sources d’énergies, la vitesse se démultiplie à travers les supports.
C’est la vitesse des bobines nitrates, qui impriment sur la rétine des images fixes qui semblent en mouvement. C'est la vitesse des voitures Pullman qui courent sur 40 000 kilomètres de rail. C’est la vitesse des ondes téléphoniques qui téléportent la voix par-delà les rives. C’est aussi la vitesse du métropolitain qui relie la Porte de Vincennes à la Porte Maillot en une vingtaine de minutes. Chacun de ces lieux communs, qui peuplent notre existence contemporaine, sont les enfants légitimes de l’union du progrès et de la vitesse.
La deuxième manifestation de ce bouleversement sera plus désastreuse, dans les éclats de la Première Guerre mondiale. La vitesse qui a émancipé l’Homme en épargnant sa fatigue, est aussi un accélérateur de sa destruction dans le cadre du premier conflit de masse jamais engagé. Aussi, en 1919, lorsque le monde ressort des années de combats, il en est totalement déstabilisé et doit apprendre à conjuguer autrement son rapport à la vitesse.
Parce que si, jusqu’alors, la vitesse répondait essentiellement à un besoin de confort, ce sont désormais les nécessités économiques qui président au déploiement de techniques qui accélèrent la vitesse.
Le triomphe du modèle capitaliste par la production de masse tend à donner un sens particulier, sinon absolu, à la notion de vitesse. Une notion qui induit, à partir des années vingt, une logique de plus en plus concurrentielle, à mesure qu’elle régit la vie des gens et rythme les choses de la vie.
Les champs de la compétition se multiplient
Ce n’est donc pas un hasard si l’avènement du sport, comme phénomène de masse, intervient à la charnière des deux siècles. La renaissance des Jeux olympiques, engagée en Sorbonne en 1894 et inaugurée à Athènes en 1896, témoigne du phénomène.
Désormais équipé de chronomètres et d’appareils optiques, qui permettent de définir savamment le classement des athlètes les plus rapides dans toute une pléiade de disciplines individuelles, l’Homme ouvre la voie à une extension de la compétition par la vitesse.
La première médiatisation massive du genre est celle qui accompagne les Jeux olympiques de Paris 1924. Ceux-ci sont marqués par un déploiement inédit de moyens médiatiques, dépêchant des centaines de journalistes de presse, de speakers radio et de caméramans des actualités.
Cette manifestation souligne en creux ce que l’Entre-deux-guerres est une époque durant laquelle les masses se passionnent comme jamais auparavant pour les grandes confrontations qui sous-tendent des enjeux sportifs et qui induisent des chocs de vitesse.
Pendant les années vingt et les années trente, les exploits individuels dans les airs se multiplient également. Rêvons un instant de Mermoz, de Saint-Exupéry, de l’aéropostale … Exploits toujours individuels car à cette heure l’aviation est un moyen de déplacement collectif qui effraie encore très largement le public. C’est dans ce contexte que surgit le phénomène Normandie.
Normandie, le triomphe des paquebots d’Etat
Les paquebots ne sont pas des Hommes, ce sont des machines qui permettent de relier en ligne des rives opposées. Pour autant, poussés par leurs moteurs et sous leurs couleurs nationales, les transatlantiques s’affrontent sur l’océan dans une véritable compétition aux accents sportifs. L’Entre-deux-guerre compose l’acmé de ce phénomène, qui poussent les principaux pays européens à obtenir le très convoité Ruban bleu, récompense symbolique allouée au paquebot transatlantique le plus rapide du monde.
è En 1898, Kaiser Wilhelm der Grosse traverse l’Atlantique à 22,29 nœuds
è En 1909, Mauretania traverse l’Atlantique à 26,06 nœuds
è En 1929, Bremen traverse l’Atlantique à 27,87 nœuds
è En 1933, Rex traverse l’Atlantique à 28,92 nœuds
En 1935, le Havre accueille le plus grand paquebot du monde. Et c’est un navire qui dépasse absolument tout ce qui s’est fait jusqu’alors. 313,75 mètres, 83 423 tonneaux, 160 000 chevaux de puissance et 44 références de champagne à la carte. A son mât flottent ces flammes jumelles, le pavillon tricolore et le Ruban bleu. Pour toute une génération, ce navire consacre l’apothéose d’un rêve français. Normandie est bien plus qu’une coque d'acier. C’est une œuvre artistique, un projet politique, un manifeste patriotique. C’est aussi le grand champion de son temps. Détenteur du Ruban bleu dès son voyage inaugural, avec une moyenne de 30,31 nœuds, Normandie arrache cinq fois la récompense durant sa brève carrière à la mer. Entre 1936 et 1938, il livre une lutte sans merci avec le Britannique Queen Mary, atteignant son sommet à l’été 1937, lorsque le Français gagne une moyenne exceptionnelle de 31,20 nœuds. L’Atlantique en 3 jours, 22 heures et 7 minutes !
Glissement de terrain, entre les mers et les airs
L’entrée dans la Drôle de guerre, le désastre de juin quarante, l’opération Barbarossa, l’attaque de Pearl Harbor, la résurrection française et finalement la Victoire … Tout ceci contraint les grands paquebots à s'arrêter pendant de longues années. Les Britanniques reviennent en 1946 avec le duo des Queen’s, cependant que les Français doivent tout rebâtir, tant les pertes ont été sévères.
Lafayette en 1938, Paris en 1939, Champlain en 1940, Normandie en 1942, ce sont quatre des cinq plus grandes unités de la flotte commerciale française qui ont été détruites. Ne reste pour nos couleurs que le vieil Île-de-France, navire de 1927, qui traverse l’Atlantique en six jours. On lui adjoint l’ancien Europa Allemand, rebaptisé Liberté, qui eut le Ruban bleu en son temps, mais qui ne sait plus tenir la course. Aussi, en juin 1952, la compétition pour le Ruban bleu s’achève donc au profit de la nouvelle superpuissance du monde occidental. United States tue le match avec une moyenne de 35,59 nœuds. L’Atlantique s’effectue en 3 jours et 10 heures.
Mais, dans les années cinquante, un nouveau terrain de jeu relègue les exploits de la rapidité maritime au second plan. Désormais, la compétition pour la rapidité se déploie dans le ciel. Et cette réalité n’est pas une surprise, tant les progrès de l’aviation dans les années trente laissaient entendre ce qui allait advenir. Dans un article publié en 1935, Louis Hirschauer constatait très justement, cette évidence qui devait éclater dans les années cinquante : «Le paquebot, né il y a un siècle, sans cesse perfectionné, est amené à son expression suprême avec l’admirable Normandie. Aurait-il déjà connu son âge d’or ? Nos enfants traverseront-ils les océans sur de gigantesques et luxueux liners ? Ne préféreront-ils pas le “bateau volant” dont la vitesse sera dix fois celle du navire et dont les départs seront quotidiens ? Poser la question, c’est y répondre ! »
Concorde, l’apothéose de vitesse individualisée
La vitesse sera dix fois celle d’un navire. C’est vrai, puisqu’en 1960 l’Atlantique se fait en 82 heures à bord de United States contre un peu moins de huit heures en Boeing 707. L’échelle de la vitesse n’a désormais plus d’équivalence avec celle du passé et cependant, l’Homme continue de rechercher une vitesse toujours plus rapide pour ses mouvements.
C’est dans ce contexte que naît le dernier grand projet civil appliqué à un transport collectif. Imaginé depuis la fin des années cinquante, initié conjointement en 1962 par Paris et Londres, d’abord présenté en 1967 avant de voler pour la première fois le 2 mars 1969, Concorde renouvelle cet idéal de la conquête du monde par une vitesse toujours plus intense. Lorsqu’il entre en service sous les couleurs d’Air France et de British Airways, le 21 janvier 1976, Concorde éteint toutes les prétentions existantes.
Confiné dans une cabine pressurisée, vous perpétuez l’art du voyage. Installé dans des sièges designés par Andrée Putman, vous buvez du champagne millésimé, vous savourez du caviar avant de commander un foie gras truffé. Vous êtes parti à 11 heures de Paris, vous arrivez à 8 heures à New-York. Désormais, en record, l’Atlantique se franchit en 2 heures et 52 minutes. Cette réalité reste tangible au dernier quart du XXe siècle et l’accident de juillet 2000 anticipe le retrait de Concorde en 2003. Depuis, la vitesse semble marquer le pas, attendu que les moyens en présence pour traverser l’Atlantique vont moins vite que les offres existantes au siècle passé.
è Un vol Paris-New-York en Airbus A-350 s’effectue en sept heures trent
è Une traversée Le Havre-New York sur Queen Mary 2 dure huit jours
Dans le premier cas, ce sont l'efficience et la massification qui l’emportent. Dans le second, l’agrément touristique surclasse la nécessité. Aussi, quelque chose semble s’être rompu dans le rapport que nous entretenons avec la vitesse, tout du moins tel qu’exprimé auparavant. A moins que ce ne soit le terrain sur lequel se déploie la vitesse qui ait changé ? Après tout, le dernier billet Concorde Londres-New-York a été acheté sur EBay en octobre 2003 par un voyageur dans l’Ohio. Son ordre d’achat venait de traverser l’Atlantique en une fraction de seconde.
La dimension virtuelle questionne la pertinence de la notion de vitesse
La dimension virtuelle est nouvelle et, à son tour, elle bouleverse l’anthropologie humaine. Son émergence progressive, entre la fin des années soixante-dix et l’An 2000, ne laissait pas nécessairement prévoir qu’elle allait régenter l’ensemble des rapports humains contemporains. Au quart temps de ce siècle, la démonstration est pourtant probante, la dimension virtuelle est omniprésente et redéfinit considérablement la notion même de vitesse. L’illustration de ce billet Concorde, acheté en ligne, fait école dans la démonstration du phénomène. Désormais, il suffit d’ordonner à une application une action plus ou moins simple (envoyer un message, confirmer un achat, etc.) pour qu’un interlocuteur situé à des milliers de kilomètres en soit récipiendaire. Pour la première fois, le déplacement physique de l’Homme semble remis en cause, attendu qu’il n’est plus l’enjeu déterminant et qu’une large partie de ses actions peuvent transiter instantanément de par le monde sans qu’il ait pour autant besoin de se déplacer.
Ceci souligne, en creux, la raison pour laquelle après Concorde, aucun nouveau moyen de transport n’est venu repousser les standards de la vitesse, alors qu’une croissance continue s’était jusqu’alors établie. Au contraire. Récemment encore, Alain Finkielkraut dans sa célèbre émission Répliques du 22 mars dernier sur France Culture, consacrée à l’intelligence artificielle, notait avec sarcasme, “On ne désinventera certainement pas le portable, mais la seule chose qu’on ait désinventé c’est Concorde”. C’est vrai, et c’est d’autant plus intéressant que le portable est né au moment où le supersonique disparaissait.
La vitesse est-elle dépassée ?
En conséquence de quoi, la question sur laquelle nous prenons le temps de la réflexion aujourd’hui revêt un profond sens philosophique. Elle interroge le rapport que nous entretenons avec le mouvement, avec la puissance, avec la maîtrise, avec l’ingéniosité … avec le jeu de nos propres limites.
Parce que la vitesse s’est souvent avérée être le vecteur de nos idées les plus abouties pour repousser les limites et les contraintes qui nous enserrent.
II. Le retour et la valorisation de la lenteur
Anne-Marie
Après ce plaidoyer pour la vitesse, explorons le concept de lenteur !
En effet, face à l’accélération du monde, où la recherche de performance, de productivité et de rentabilité continue d’être au cœur du développement et de l’innovation…penser la lenteur peut paraître saugrenue, comme déconnectée des enjeux du monde contemporain.
Pourtant, depuis plusieurs décennies, la vitesse tend à devenir source d’inquiétude et à être analysée comme facteur de risques et de troubles.
Certains se demandent si la vitesse n’est pas justement le poison lent du progrès.
Déjà en 1977, Paul Virilio, Le grand penseur de la critique de la vitesse, urbaniste et philosophe contemporain, (né en 1932) publiait son ouvrage majeur Vitesse et politique, dans lequel il développe une pensée autour de l'accélération des échanges, critique le culte de la vitesse qui est devenu selon lui, la tyrannie de la vitesse.
Toute sa vie, il a développé une théorie critique de l’accélération et du progrès.
Ainsi, il affirmait déjà il y a presque cinquante ans, que la vitesse a un vice caché : gagner de l’argent en gagnant du temps (le temps, c’est de l’argent); c’est le cheval de Troie de la performance à tout prix.
Il a fondé la dromologie (CAD l’étude de la logique de la vitesse; dromo: route/ course).
Il démontre que la vitesse a toujours eu une importance politique, géopolitique même:
Ainsi, La vitesse est au centre de l’art de la guerre ; ex les romains qui bâtissent les voies romaines pour acheminer rapidement les troupes pour leur conquête des territoires; la guerre éclair au XX éme siècle.
Il a prophétisé la tyrannie du virtuel, la dictature de la globalisation des émotions à une époque où Internet n’avait pas encore envahi nos vies.
Pour Paul Virilio, l’accélération de la réalité détruit notre sens de l’orientation, CAD notre vision du monde. Il montre ainsi que l’aviation, l’avion modifient notre perception du monde.
Adrien nous a parlé du Concorde qui a poussé à son paroxisme “l’oubli” de la réalité du monde exérieur : que peut -on voir à une telle vitesse par le hublot ? Rien ! Le trajet est déconnecté du monde réel: seul compte le point d’arrivée.
L’homme privilégiant désormais le zapping permanent et l’immédiat, éprouverait de plus en plus de difficultés à se repérer dans l’axe passé-présent-avenir et à se penser dans le temps.
Il ne craignait pas de dire que la vitesse est la vieillesse du monde.
P. Virilio est allé aussi jusqu’à proposer la création d’un ministère du temps qui permettrait de reprendre pied dans le réel !
Par contraste avec la critique de la vitesse, la lenteur s’en trouve valorisée.
Pourquoi en effet serait- il pertinent de ralentir ?
-Pour la sécurité : C’est évident
Ainsi, pour empêcher les hommes de se griser de vitesse et de provoquer des accidents, on a instauré progressivement des limitations de vitesse (amendes en cas d’excès).
La grande vitesse est en train de faire machine arrière :
Pour les déplacements, l’avion commence à céder la place au train pour certains trajets, lorsque c’est possible, choix surtout chez les jeunes générations.
La question : Pourquoi sommes-nous si pressés ?
Parce que la vitesse est au coeur de la compétition entre les humains, où la performance est condition de réussite dans de nombreux fronts de l’ existence : travail, famille, vie sociale et même loisirs...)
De plus aujourd’hui, les machines sont désormais capables d’aller beaucoup plus vite que les décisions humaines.
Or, comprendre, appréhender le monde dans lequel on évolue demande du temps: il faut laisser du temps à la pensée complexe.
Prendre le temps, ce n’est pas forcément perdre du temps.
Néanmoins, décélérer n’est pas chose aisée.
Ralentir, pour quoi faire ?
Alors que la notion de lenteur a été souvent synonyme d’inaction, de mollesse, voir d’ennui, considérée parfois comme un obstacle (ex la lenteur administrative…), depuis une trentaine d’années, les critiques de la vitesse s’accompagnent d’une valorisation de la lenteur, contrepoint à la culture de l’urgence dans de nombreuses sphères de la société.
Déja dans l’antiquité, Aristote a développé le concept de prudence :
Tout le temps de sa vie, l’homme prudent est celui qui se donne le temps de la réflexion en vue de l’action : se donne le temps pour que pousse en nous la bonne décision ou la bonne action, pour considérer de façon plus fine une situation complexe.
Et Boileau nous dit également : hâte-toi lentement !
De nombreux écrivains et philosophes ont fait la part belle à la lenteur: parmi eux, Nietzsche, Kundera, Schopenhauer (tout ce qui est exquis murit lentement).
Le philosophe Alain quant à lui, affirme que la vitesse est une dépense, qu’elle coûte plus qu’elle ne rapporte:
Ii écrit en 1932 (déjà!) :”et comme il n’est point de vent, ni de torrent, ni de houille qui travaille pour nous sans construction, extraction, surveillance, nous arriverons inévitablement à un moment où la vitesse ne paiera plus,en résultats, le travail humain qu’elle suppose.
A ce moment là, toute l’humanité se ruinera en travaillant, comme font déjà les avions, les paquebots et les trains rapides.
Puis, les mouvements SLOW
Dès la fin des années 80, on a assisté à la naissance des mouvements slow, en réaction à la place prise par l’immédiateté dasn de nombreux domaines.
Carl Honoré, écrivain et journaliste canadien, d’origine écossaise (58 ans) est le lanceur promoteur reconnu d’un courant d’opinion baptisé SLOW qui s’est développé à l’échelle mondiale.
Il écrit en 2004 son plus célébre ouvrage, Eloge de la lenteur
Prônant une réappropriation des modes de vie qui passe par leur ralentissement, le slow s’est progressivement décliné dans un grand nombre d’activités:
-Slowtourisme, slowtravel : des voyages en prenant son temps, en se déplacant à pied, en vélo, en bateau fluvial ou à voile, respectueux de l’ environnement et s’attachant à aller à la rencontre des populations locales.
-Slowfood: mouvement créé en 1986 à Turin par Carlo Petrini, sociologue et journaliste, pour s’opposer à la fast food et mettre en avant la cuisine locale à partir de produits frais de la région ...et en prenant pour le repas, le temps d’ un moment convivial.
L’idée est aussi de sensibiliser les citoyens à l’éco-gastronomie et à l’acceptation d’un prix équitable pour les producteurs.
Les cittaslow: charte d’un réseau de villes qui implique la revitalisation des centres historiques, la favorisation des circuits courts d’approvisionnement, l’éloignement des voitures du centre-ville.
En résumé, l’idée est de retrouver dans notre vie, ce que les musiciens appellent le tempo giusto.
Les psychologues encouragent à suivre une éthique de vie qui nous permet de décélérer, de réapprendre à prendre le temps, à prendre SON temps.
Thibaut de Saint-Maurice, professeur de philo (et chroniquer sur France Inter) nous invite même à repenser la lenteur comme une VERTU :
Loin d’être une perte de temps, la lenteur devient la condition nécessaire à l’épanouissement d’une vie riche de sens
En effet, en tant qu’humain, nous avons besoin de FAIRE et de comprendre ce que nous faisons.
Et il faut du temps pour cela.( J’y reviendrai).
Enfin, la notion de lenteur est souvent associée à celle de proximité spatiale.
Ex : se déplacer à pieds dans son environnement immédiat, ou sinon, pèlerinages plus lointains mais sur une longue durée (cf succès de Sylvain Tesson; les chemins noirs).
Donc, alors que la vitesse est associée à la mondialisation et à la standardisation des modes de vie, une forme de résistance aux injonctions à produire toujours plus, et plus vite tend à s’installer.
Mais au-delà, si la valorisation de la lenteur s’est construite en opposition à l’accélération, elle n’en est pas seulement l’opposé.
Il se développe en effet une articulation des vitesses, comme il a été souligné lors d’un colloque intitulé “l’homme pressé”:
Dans un contexte de désynchronisation des temps collectifs, les individus cherchent moins le ralentissement que la maîtrise de leurs rythmes personnels. Les individus peuvent élaborer des stratégies en accélérant parfois pour mieux ralentir ensuite.
En résumé, vitesse subie ou choisie? Lenteur subie ou choisie? Telle est la question !
C’est ce que nous allons voir dans la 3 ème partie, à la fois sur le plan collectif et individuel.
III La battle amicale vitesse/lenteur
Adrien (AD): avocat de la vitesse ; Anne-Marie (AM): avocate de la lenteur
Les atouts et bénéfices de la vitesse
AD La vitesse n’est pas dépassée dans la mesure où nous évoluons dans une organisation sociale qui demeure profondément rythmée par les effets libératoires de la vitesse. Aussi, je m’aventure à penser que nous ne reviendrons pas sur des siècles d’évolution de ce rythme pour tout un faisceau d’éléments.
AD 1 Déplacements contraints
Nous continuerons à bénéficier de moyens de transport rapides et nous contesterons vigoureusement la lenteur qui pourrait advenir sur ceux-ci pour les déplacements contraints.
Même sans Concorde, l’avion de ligne ne diminue pas sa vitesse, pas davantage les lignes TGV. Il suffit de voir la colère moqueuse que suscitent les lignes Normandes, qui vont moins vites en 2025 qu’en 1975. Pensons aussi à la polémique suscitée par le passage de 90km/h à 80km/h pour certaines routes.
J’en veux aussi pour preuve le réseau de métro à Paris. Pensons que jusqu’au printemps 2024 il fallait 50 minutes pour aller du Châtelet à l’aéroport d’Orly. Il n’en faut plus que 20 minutes aujourd’hui. Phénomène unanimement salué.
AM Oui mais le choix de la lenteur peut se poser pour les déplacements liés aux loisirs: ex le regain d’intérêt pour les randonnées, pélerinages, croisières….
- AD 2 Pour le travail
AD : Il y a aussi la libération des contraintes / Perspectives d’un abandon impossible de la réduction du temps de travail.
Nous voudrons certainement continuer à pouvoir jouir d’une durée de travail réduite. 48 heures en 1919 / 35 heures en 2000. Nous parlons aujourd’hui de la semaine de quatre jours. La durée légale du travail salarié est plus rapide, puisqu’elle est moins longue. Au cœur d’un choix de société c’est le modèle économique. Il y a une forme de libération de la contrainte temporelle induite dans le travail et davantage.
Néanmoins, si cette libération de certains emplois est réelle, elle l’est moins pour d’autres.
Pensons à Schumpeter avec la théorie de la destruction créatrice. Le métro va plus vite parce qu’il est automatique. On supprime un poste d’agent conducteur en assurant le service et la rapidité. Inversement, l’aide à domicile continue de s’embourber sur les routes ou dans les transports pour répondre à ses tâches sur une carte fragmentée, précisément parce que rien ne peut remplacer ses soins. Bref, les salariés, à raison, veulent gagner du temps.
AM : certes , cela permet plus de temps libre...mais pourquoi en faire ? (cf ci-après)
- AD 3 : L’innovation
Je pense que le gain de temps continuera à être au cœur de la communication numérique. Les réseaux qui permettent l’innovation iront sans doute plus vite encore, à l’image de l’IA.
Tout est mis en œuvre pour que l'efficacité du débit soit toujours plus intense, avec le déploiement des réseaux 5G. Acceptons-nous encore un débit lent ? Non, au contraire, nous souhaitons qu’il soit toujours plus efficace, donc rapide. Attendre cinq secondes pour une recherche sur Internet paraît insurmontable.
La vitesse est un outil pour le nécessaire, attention à ce que ce ne soit pas un outil d’aliénation pour le gadget.
La confrontation de la vitesse aux limites indues par l’immédiateté se pose donc en ses termes et suppose une prise de conscience de la part des individus. Nous en revenons à la théorie de Shumpetter…
AM : IA : si une machine va plus vite que nous à résoudre un problème, à écrire un texte, fera t-on encore l’effort de raisonner ? Est ce qu’on pensera encore ? n’est-ce pas un danger pour ce qui fait notre humanité ?
AD : accord sur ce point
- 4 Les compétitions sportives
AD Il y aura encore l’enthousiasme pour le 100 m le plus rapide au monde, pour l’intensité, pour les records de vitesse. Quand bien même le sport collectif change, la vitesse demeure un élément central dans son approche.
Il existe même des débat pour accélérer la durée des matchs de foot, de 90 à 80 minutes, je trouve cela aberrant, mais c’est une illustration d’un désir de vitesse dans des pans entiers de la société.
La compétition sportive induit nécessairement la vitesse.
AM : oui mais pourquoi toujours la compétition ? Ne peut-on pas rêver, vouloir un monde où la compétition entre les hommes n’est pas au centre de tout? Changer de paradigme?
(Des sports lents comme la marche, le ski de randonnée , la voile…).
AM : Venons-en maintenant aux atouts et bénéfices de la lenteur
L’adoption de la lenteur peut s’appliquer à la plupart des activités humaines
1 Travail :
En effet, si on écarte les périodes durant lesquelles la lenteur peut être subie, lenteur d’une décision attendue, lenteur administrative, de la justice… la lenteur peut être considérée comme facteur de liberté !
La lenteur peut nous libèrer des injonctions du marché, de la société de consommation (Toujours plus ! Toujours plus vite ! ) J’en veux pour preuve le symbole de la montre (instrument de mesure du temps), objet valorisé : si t’as pas ta rolex à 50 ans …..
Alors que les machines (robots, ordinateurs etc…) continuent de manière de plus en plus sophistiquée à remplacer les humains, la perte de sens au travail est un risque pour un grand nombre de travailleurs.
C’est pourquoi certains refusent de se conformer au système et s’orientent vers des métiers où il est encore possible de prendre son temps. C’est l’opportunité de concevoir et d’organiser les différentes tâches de son travail à son rythme
Choisir la lenteur, s’affranchir des contraintes de temps, c’est alors un luxe dont bénéficient certaines professions qui peuvent accomplir des tâches à valeur ajoutée.
-L’ artisan: sens donné en allant de la création ……à la réalisation avec la satisfaction de faire soi-même sans être obnubilé par la rentabilité immédiate. -Le maçon qui construit son mur toujours à peu près à la même vitesse …. -Le paysan : au-delà des progrès du machinisme, continue d’organiser ses activités au rythme des saisons.
A l’inverse, nombreux sont des salariés qui pressés par leur entreprise, perdent le sens de leur travail allant parfois jusqu’à développer des pathologies (pouvant même conduire jusqu’au burn out).
D’ une manière générale, la compétition ne favorise pas les bénéfices, c’est plutôt l’ entr’aide, la coopération.
Et puis on le voit, on le sait la diplomatie nécessite le temps long …
2 Enseignement/ apprentissage :
Pour faire un homme, oh Dieu que c’est long ! Hugues Auffray
Il faut du temps pour apprendre, pour comprendre, devenir citoyen. Il faut toujours une vingtaine d’années au moins pour faire d’un bébé, une femmes ou un homme, ayant reçu un enseignement diversifié pour une culture générale lui permettant d’exercer pleinement ses capacités à penser librement et apte à résoudre des questions complexes.
C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que la plupart des problèmes auxquels nous sommes confrontés, sont trop complexes pour des remèdes instantanés.
3 Vie personnelle/ temps disponible et loisirs
C’est là que la lenteur prend vraiment tout son sens !
Certes, il ne s’agit pas de tout faire à une allure d’escargots mais notre qualité de vie passe par un meilleur équilibre entre rapidité et lenteur. (Cf le lièvre et la tortue : rien ne sert de courir…)
Ralentir, c’est un état d’esprit: accepter de réduire la voilure ...
C’est un art de vivre :
Savourer le temps, renforcer son bien-être dans sa globalité.
D’abord, une meilleure santé : moins de stress, de problèmes cardiaques…
Le ralentissement peut apporter plus de profondeur, de plaisir et de sens à notre vie : On est aussi plus créatif et efficace.
Carl Honoré nous invite ainsi à « déchaîner notre tortue intérieure » !
La lenteur favorise un ancrage dans le moment présent, à ressentir avec plus de sensibilité son environnement .Le temps non compté favorise les échanges et permet de recréer des liens plus qualitatifs.
On peut choisir des loisirs plus lents, constructifs et réconfortants:
L’ esprit d’aventure aujourd’hui s’exprime davantage par le voyage lent (ex S. Tesson, les pélerinages... ) Au programme : calme, douceur et contemplation !
3- Ecologie, préservation de la planète
AM Pour faire un arbre, mon Dieu que c’est long ! (H Auffray
La nature continue de prendre son temps.
Dans un contexte de réchauffement climatique, ralentir et donc moins consommer d’énergie fossiles, permet de mieux articuler nos activités avec la raréfaction des ressources et la préservation de la biodiversité.
Prendre le temps de cultiver des plantes ou des légumes de son potager, les regarder pousser : des moyens de vivre mieux, de se sentir exister. Consommer local, se déplacer avec des moyen de mobilité douce (à pieds, à vélo, à la voile …)
AD : on se retrouve sur ce point / Cela questionne sur les limites du système économique mondialisé dans lequel nous évoluons. A ce sujet je poserai deux réserves.
Ma première réserve sur la vitesse vise le régime économique. Celui-ci, mondialisé et financiarisé, est advenu depuis les années 1970 à la faveur d’une accélération des flux de distribution et des chaînes de production. En généralisant l’espace des marchés et en donnant un accès continu à une chaîne inextinguible de biens de consommations, il est manifeste que ce régime est essoufflé tant il se heurte à ses multiples limites et contradictions. La vitesse avec laquelle nous avons épuisé une large partie des ressources, faisant fi de la lenteur de leur renouvellement, contraindra certainement l’Humanité à un futur stade de lenteur contraint par un manque de ressources.
AM : j’ajouterai que la lenteur permet de reconfigurer notre relation au temps mais aussi à l’espace :
A travers une vitre ou un hublot, le paysage tend à devenir un décor entre 2 gares ou 2 aéroports. Or ce qui compte, on le sait dans un voyage, c’est autant le chemin que le point d’arrivée, la destination.
TGV / trains régionaux Alors que le développent du TGV s’est concentré sur les liaisons entre les grandes métropoles, laissant de côté le reste du territoire (cf Paris et le désert français), les trains régionaux n’ont pas connu une vitesse supérieur et même souvent mettent plus de temps qu’il y a 30 ans (cf la ligne Paris/ Deauville !) L’accès aux aéroports : on met plus de temps pour arriver à l’aéroport et à embarquer que pour faire le trajet à bord!
AD Malgré un métro qui va plus vite ! Je te l’accorde.
AM Enfin, je ne voudrai pas oublier la lenteur par nécessité :
Dans notre société contemporaine, où le vieillissement de la population s’accroît, Il est impératif de prendre en compte la lenteur liée à l’âge, à la vieillesse : Les capacités à se déplacer, à accomplir des tâches du quotidien ralentissent …
A titre individuel, on peut s’attacher aussi, tant que faire se peut, à ne pas subir et en faire une opportunité ! trouver la sérénité et la satisfaction dans la liberté de prendre son temps, d’organiser sa vie en douceur … Et profiter de tout ce que la société met à disposition pour s’adapter et continuer de vivre pleinement. Ex: les croisières très fréquentées par les seniors ( rythme du bateau et organisation à bord, adaptée aux besoins et attentes des plus de 65 ans) . On peut aussi investir dans des relations de proximité.
Conclusion
AD : En somme, il me semble que le rapport entre vitesse et lenteur demeure associé à une recherche du bien-être. C’est par la vitesse qu’on se libère de la pénibilité et qu'on accède à des espaces de lenteur durant lesquels on peut davantage observer, savourer, échanger, penser, bader …
Cependant, loin de la volonté de ne soutenir qu’un éloge de la vitesse, il me semble nécessaire de prendre davantage de recul pour mieux apprécier le temps et l’espace, qui sont les meilleurs cadres d’expression d’une vitesse heureuse et d’une lenteur heureuse.
Je poserai une limite majeure à la vitesse, celle de la menace qui pèse sur les institutions républicaines. Régulièrement des critiques portent contre la lenteur de la Justice, contre la lenteur du processus législatif, contre la lenteur des mécanismes électoraux. La justice devrait être rendue dans l’heure, la loi devrait être votée dans la minute, le vote ne devrait plus s'embarrasser d’un déplacement vers un bureau mais s’effectuer sur son téléphone.
Il me semble, sur ce point, que l’existence des institutions républicaines suppose une prise de temps et de distance avec le rythme quotidien. Dès lors, l’exercice de la citoyenneté ne peut s’entendre autrement que sur le temps lent, parce qu’il suppose l’instruction, l’esprit, la connaissance, le recul, la maîtrise. Certainement, c’est vers une combinaison de rythmes différents que nous sommes en train de tendre. Il me semble que sur des pans entiers de l’existence, la vitesse ne peut plus être remise en question à la faveur d’un rythme plus lent. Parce qu’en l’espèce, cette vitesse est perçue par une libération. Inversement, des activités plus lentes n’iront sans doute pas vers un rythme davantage accéléré. Parce que cela serait perçu comme une aliénation. Aussi, ceci brosse le relief qui existe entre les deux, qui pose cette dichotomie fondamentale dans le rapport entretenue par la vitesse et la lenteur, qui l’une et l’autre libèrent tout autant qu’elles aliènent. Tout dépend de l’angle sous lequel elles sont, l’une et l’autre, approchées.
AM quelques mots de conclusion
La lenteur va de pair avec la sagesse ! Je pense vraiment que le luxe ultime du 21 éme siècle : c’est le temps !
Oublions le temps médiatique, retrouvons le sens du temps long ...
Alors que nous ne cessons de gagner du temps, la question n’est-elle pas plus que ralentir, de retrouver le sens de la durée, l’épaisseur de la durée (cf Bergson ) ; Sans doute sera-t-il de plus en plus essentiel de penser à un nouvel équilibre entre la vitesse nécessaire et la lenteur souhaitable?Trouver une combinaison de rythmes différents... Cela pourrait conduire à penser différemment nos modes de vie, nos priorités pour demain, en prenant en compte l’impératif de préservation de la planète, transmise aux générations futures,
ET la lenteur pourrait bien être au coeur d’un modèle d’avenir pour la société !
AD : Un dernier mot?
Je pense qu’une belle fleur aura toujours besoin de lenteur pour éclore sous le soleil du Pays d’Auge alors que le premier sentiment ne saura se partager que dans la vitesse de l’instant saisi !
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