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Le déclinisme , mythe ou réalité ?

  • cafephilotrouville
  • 16 juin 2018
  • 3 min de lecture

La théorie du déclin des civilisations a été élaborée au lendemain de la guerre de 14 par le philosophe de l’histoire Oswald Spengler. Il définit une civilisation comme un organisme culturel, dont l’évolution suit celle d’un organisme : naissance, jeunesse, maturité, naissance et mort. Il distingue entre culture et civilisation : la jeunesse correspond à la culture, la phase ascendante ; la maturité correspond à ce que nous appelons, nous , « civilisation » : c’est la phase où la culture à la fois s’accomplit et commence à décliner. Dans le processus de civilisation, les intuitions initiales qui ont permis l’essor d’une culture sont perdues, on cherche en vain à les reproduire ; la civilisation se diffuse, s’étend, au détriment de la qualité ; il se fait un mixage de toutes les cultures, ce qu’il y avait d’original en chacune d’elles est perdu ; l’art s’alanguit, les œuvres manquent de souffle, d’unité, versent dans l’excentricité et la démesure ; la religion, dont le rôle était central, devient un épiphénomène, chacun à la sienne ; le culte de la science et de la technique la remplace ; politiquement, c’est l’ère des masses, l’âge démocratique qui ouvre le chemin au césarisme et à l’impérialisme.

Le cours de l’histoire offre maints exemples de ce déclin des civilisations. L’Egypte des premiers et second empires devient après la conquête romaine un peuple de fellahs, le silence s’étend sur elle pour 20 siècles ; la Grèce de Périclès et d’Alexandre s’éteint dans les sables de l’Asie ; la république romaine (phase de culture) tourne à l’empire, qui amène la décadence des mœurs et de l’esprit civique et en fait la proie des barbares ; et plus près de nous nous avons avec l’URSS l’exemple d’une civilisation avortée, dont la phase de culture n’a pas duré plus de quelques années. Ceci pour ne rien dire des nombreuses civilisations dont nous ne savons presque rien, parce qu’elles n’ont pas laissé de traces autres que quelques ruines.

La question est : ce déclin civilisationnel est-il fatal, et nous concerne-t-il aujourd’hui pour notre propre civilisation occidentale? Le déclin est un processus, tandis que la mort peut-être un accident, qui frappe une civilisation par ailleurs en plein essor (une guerre nucléaire) ; lorsque les Aztèques sont vaincus par une poignée d’Espagnols, leur civilisation est à son apogée, il n’y a pas de rapport évident entre sa mort et un déclin. En ce qui concerne notre propre civilisation occidentale, durement touchée par deux guerres mondiales, elle a essaimé dans le monde entier : est-ce là le signe d’un déclin ?

Si l’on file la métaphore spenglérienne, la jeunesse ne tire son énergie que d’une simplification, elle vit dans un monde simplifié ; dans une culture au sens de Spengler, toutes les questions ont une réponse, et le groupe humain qui vit de cette culture a une unité ; mais le prix à payer pour cette unité est le faible développement de l’individu. Or nous mesurons la valeur d’une civilisation au degré de ce développement et à sa généralisation, et nous avons probablement raison de le faire ; qu’il en résulte une cacophonie n’est pas une raison suffisante pour inspirer la nostalgie du retour aux simplifications unitaires de la culture, et en ce sens, on ne peut parler de déclin.

S’il existe néanmoins quelques raisons d’adhérer aux thèses de Spengler, elles tirent leur force d’un aveuglement qui concerne la civilisation planétaire d’aujourd’hui ; deux phénomènes majeurs semblent devoir en contrarier l’expansion, la pression démographique et l’urgence écologique ; or ces deux phénomènes sont des effets du développement de cette civilisation, elle le sait, et elle ne sait pas les prendre en compte. Ce sont là des facteurs internes, qui traduisent une impuissance réelle, et pour lesquels on peut objectivement parler de déclin.

 
 
 

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