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Les discours

On ne saurait trop surestimer la puissance du langage, ou plus généralement des symboles. Les hommes y sont sensibles à un dégré qu’on n’imagine pas. La société - plus précisément les comportements et les pensées de ses membres - est structurée par des discours. Il en pleut de tous les côtés, et de tous ordres. Ils visent à façonner les esprits, à les convaincre de penser et d’agir d’une certaine manière. Qu’est-ce qu’un discours ? C’est un assemblage ordonné de signes (pas forcément exclusivement linguistiques), possédant une forte cohérence, et qui vise à susciter l’adhésion. Comme discours verbal, on peut citer la harangue, l’éloge, la diatribe, le manifeste, l’adresse, la supplique ; un essai philosophique est un discours. Comme discours non-verbal, un temple, une cathédrale, un palais. Un spot publicitaire, une affiche, une image de propagande, mélangent les deux. Une ville, dans son arrangement volontaire, peut être lue comme un discours. De même pour une toilette vestimentaire, si elle vise un effet délibéré (la tenue des magistrats, des gens d’église, des femmes..).

Un discours est construit, tout y doit faire pièce. Dans un discours verbal, classiquement, il y a un préambule (exorde), un développement, et une chute. Le préambule doit éveiller l’intérêt, le développement tenir en haleine, la chute soulager la tension et confirmer l’adhésion. A ces procédés, la rhétorique ajoute divers effets de discours : termes savants et néologismes, prise à partie du lecteur ou de l’auditeur (« comment ne pas croire », « qui pourrait douter », « il est trop évident que »…), affirmations péremptoires ou doutes circonspects, indignations feintes, etc..(les procédés sont trop nombreux pour être énumérés ici).

A un discours, on peut toujours opposer un contre-discours. Cependant, la plupart des discours publics sont sans réplique : un émetteur s’adresse à des récepteurs passifs. La puissance du discours vient de là : il tend à annihiler le sens critique. Pour éviter cet effet pervers, l’attitude à tenir consiste à accueillir le discours (car il véhicule une information digne d’être prise en compte) et ensuite de le soumettre à la discussion, ou à défaut à l’analyse personnelle. L’analyse personnelle et la discussion visent à dégager les éléments informatifs du discours, abstraction faite des éléments de manipulation qu’il contient (appels à l’émotion, etc..).

C’est le sens du livre de Daniel Mizrachi* et de son sous-titre « comment penser juste dans un environnement public qui s’y oppose ». Il analyse clairement divers types de discours (le religieux, le politique, l’économique et le médiatique), en montre objectivement et sans parti-pris la portée, l’efficacité, dans une certaine mesure la nécessité (l faut des discours pour comprendre le monde où l’on vit), mais aussi les pièges, et comment ne pas y tomber. Une lecture instructive, à recommander.

*Daniel Mizrachi « Les discours » (éditions Almathée)

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