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« Accélération » de Hartmut Rosa.

Hartmut Rosa est un sociologue et philosophe allemand né en 1965. Son ouvrage intitulé « Accélération » a rencontré un grand succès à sa sortie il y a quelques années.

HR utilise prioritairement les éléments de la sociologie classique. Mais en introduisant son concept de l’accélération qui va lui permettre d’investir une quantité de domaines et de problématiques contemporaines, il devient philosophe. Son ouvrage est très documenté, en un peu mois de cinq-cents pages il nous fournit quatre-vingt pages de notes minuscules, soit à peu près vingt-cinq pour cent du texte.

Tout d’abord, reprenant les catégories de Kant puis les analyses de Durkheim, l’auteur soutient que « l’espace et le temps ne sont pas équivalents dans le contexte du processus de modernisation. » Il considère en outre que le temps s’émancipe vis-à-vis de l’espace.

Mais comment définit-il le temps ? D’emblée il distingue trois plans : le temps de la vie quotidienne, le temps de l’existence entière ou biographique, le temps historique. Il ajoute un quatrième niveau qu’il nomme temps sacral. Ce temps « sacré » est « une courbe qui domine et embrasse le temps linéaire de la vie et de l’histoire, qui fonde leur début et leur fin et élève histoire individuelle et histoire universelle au rang de temps « détemporalisé » ». Il y oppose un temps « profane », linéaire, quantitatif, du monde d’ici-bas et de la vie quotidienne. Ainsi, le temps sacral a un caractère atemporel, et cyclique, qualitatif et relevant d’un monde autre ou supérieur.

Il ira jusqu’à parler de « compression du présent », d’anéantissement de l’espace par le temps, et nous affirme que le « temps s’émancipe de l’espace pour devenir de plein droit une dimension autonome du monde. ».

HR distingue clairement trois dimensions de l’accélération sociale. L’accélération technique, l’accélération du changement social, l’accélération du rythme de vie. On retrouve ici les mondes de la raison scientifique, de l’évolution des structures sociales et de l’expérience individuelle de la vie.

À ces formes d’accélération s’opposent cinq formes d’inertie : les limites naturelles de la vitesse, des îlots ou oasis de décélération, des ralentissement dysfonctionnels (embouteillages…), des décélérations idéologiques ou stratégiques, enfin de phénomènes de pétrification ou de cristallisation culturelle et structurelle. Il souligne l’importance, face aux excès de l’accélération, d’une permanence des règles du jeu à travers, entre autres, les institutions.

Par ailleurs, il se réfère aux quatre dimensions de la sociologie classique, à savoir : structure, culture, rapport à soi, relation avec la nature. Schémas à l’appui il souligne les dangers des processus d’accélération et de modernisation : la structure qui différencie peut mener à la désintégration (Durkheim) ; la culture qui rationalise peut mener à une érosion des sens et des ressources sémantiques (Weber) ; le rapport à soi, c’est-à-dire la personnalité ou l’individualisation est menacé par la massification et la désintégration sociale (Simmel); enfin la relation avec la nature, à travers un désir de domestication, peut mener à une catastrophe écologique (Marx).

HR remarque que les processus d’hyperaccélération et de pétrification sociale sont complémentaires et ne sont pas liés entre eux de manière contingente mais systématique. Les progrès engendrés par l’accélération provoquent toujours un rejet par une partie de la population. Mais on constate que la nouveauté l’emporte toujours in fine. « En dépit de l’hégémonie des partisans de la décélération, chacun des conflits culturels s’est jusqu’à présent soldé par une victoire des adeptes de l’accélération, c’est à dire par l’introduction et l’implantation victorieuse de la technologie nouvelle ».

Parmi les champs explorés, HR constate la déconnexion entre le temps de la politique démocratique et celui des avancées technologique et sociales. La décision politique est longue à mettre en œuvre, tandis que la technologie et l’appropriation sociale sont rapides.

En contrepartie de l’accélération irrésistible que nous subissons, HR propose une solution : la « résonance ». Schématiquement il s’agit d’être en parfaite correspondance soi-même avec le monde et avec les autres. On s’adresse à une entité, à d’autres individus, et celle-là, ceux-ci, vous répondent. On entre alors dans une phase de vie bonne et de bonheur, loin des affres de l’accélération urbaine.

* * * * *

Au final, selon moi, la vitesse n’est qu’un élément technique qui permet le progrès matériel mais qui n’entrave pas la volonté de vivre sa vie à sa manière, et ce de façon plus libre individuellement tout en respectant les contraintes collectives.

C’est l’occasion de s’emparer de certaines philosophies : celles d’Épicure, des Stoïciens Romains tels que Sénèque et Cicéron, d’Érasme, de More, de Montaigne, de Montesquieu, de Rousseau, de Aron, c’est-à-dire des plus raisonnables et défenseurs d’un véritable art de vivre intelligemment.

Hartmut ROSA (philosophe et sociologue) : principal thème l’accélération.

Paul VIRILIO (architecte, urbaniste) : principal thème la vitesse.

Bibliographie :

« Accélération » de Hartmut Rosa aux Éditions La Découverte/Poche.

« Remède à l’accélération » de Hartmut Rosa aux Éditions Philosophie Magazine.

(ce petit opuscule traite aussi de la « Résonance »)«

Histoire de la vitesse » de Pierre Rousseau dans la collection« Que sais-je ? », N°88

« L’astronautique et les techniques spatiales » de Daniel Marty dans la collection « Que sais-je ? », N°3135.

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