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Peut-on comprendre la différence ?

Comprendre est autre chose que connaître. Comprendre, c’est prendre-avec soi, témoigner de la sympathie, de l’empathie, s’identifier au moins partiellement; tandis que connaître, c’est au contraire mettre à distance, interposer entre soi et l’objet à connaître un appareil conceptuel qui permet de déchiffrer l’objet d’après une grille de lecture. Si l’objet est un être humain, il faut souvent les deux (par exemple dans une enquête ethnologique), un va-et-vient entre connaître et comprendre. Dans une amitié, on se comprend (par affinités) et peu à peu on se connaît ; avec le conjoint, on met du temps à se connaître, on a commencé par s’aimer, et par se comprendre ; quand on se connaît bien, il s’agit d’autre chose que de la connaissance objective, c’est une connaissance qui n’est pas close, qui laisse une part d’inconnu, voire de mystère, et c’est ainsi que l’on « se comprend ».

On ne peut comprendre la différence que si elle n’est pas différence radicale. Un objet qui n’aurait aucune propriété commune avec d’autres objets, une intelligence radicalement différente de la notre (celle d’un martien) seraient incompréhensibles. C’est ainsi qu’on peut comprendre autrui : il est différent, mais sur fond de ressemblance (c’est un homme comme nous). Dans cette mesure, on peut dire que ne pas comprendre autrui, c’est l’avoir rendu radicalement différent (c’est la base du racisme) ; on affirme par là contre toute évidence qu’il n’y a rien de commun entre lui et nous ; le rejet de l’autre s’appuie toujours sur l’affirmation d’une différence radicale, ce n’est plus « autrui », c’est un autre, un étranger, à la limite exclu de l’humanité que l’on a mis une fois pour toutes de son côté.

Cette attitude est si commune qu’elle porte à se méfier de la valorisation des différences. Nous sommes certes tous différents (de sexe, de culture, de religion, de couleur de peau, et même génétiquement) mais à la fois tous semblables, et la différenciation, poussée à l’extrême dans l’espèce humaine, n’est une chance que si elle ne fait pas oublier la ressemblance.

De petites différences peuvent se comprendre, on s’en enrichit, on les accepte et on les intègre. Mais de trop grandes différences nourrissent l’incompréhension. Quand elles existent (avec l’animal, avec les peuples primitifs), le mieux à faire est de les respecter, et de ne pas les étouffer au prétexte de vouloir les comprendre ; mais quand elles n’existent que dans l’imagination, comme c’est le cas entre hommes et femmes ou pour deux peuples voisins qui se font la guerre, il faut travailler à les réduire, et chercher le commun qu’on peut partager.

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