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cafephilotrouville

Peut-on vivre sans mentir ?

Mentir, c’est ne pas dire la vérité qu’on connaît, plus exactement c’est ne pas dire la vérité qu’on sait à quelqu’un qui la demande, ou qui a besoin de la savoir. Comme ce quelqu’un peut être soi-même, on peut aussi se mentir à soi-même ; se mentir, c’est se cacher la vérité qu’on connaît, du moins qu’on pourrait connaître, si on le voulait vraiment. Ces petits arrangements avec la vérité sont monnaie courante, et l’on en vient vite à conclure qu’il n’y a d’autre vérité que celle qui vous arrange. Ce rapport compliqué à la vérité n’épargne personne, et l’on dit que mieux vaut un mensonge utile qu’une vérité qui dérange. Au reste, on s’épargne la honte d’être un menteur permanent par l’argument que la vérité-la vérité totale- est hors d’atteinte, ce qui est en partie vrai; dire la vérité sur des questions de raisonnement pur est assez simple, la dire sur les choses humaines est plus compliqué ; une notion d’authenticité- on fait de son mieux, avec les moyens qu’on a, pour répondre de façon appropriée à la situation qui se présente- devrait suffire ; on est en accord avec soi-même, on n’entre pas en contradiction avec sa conscience ; et si malgré tout on s’est trompé, ce n’est pas là mentir, tromper.

Pour autant, l’accord avec soi-même ne garantit pas contre le mensonge objectif, qu’on peut appeler tel parce qu’il n’est le mensonge de personne en particulier, et qu’il ne correspond pas à une volonté de mentir. Tel est le cas des idéologies et des croyances, qui s’inspirent d’une volonté de vérité ; leurs zélateurs n’en sont pas moins suspects de pratiquer le mensonge, quand leur volonté de vérité est démentie par les faits, au moins sous la forme de la mauvaise foi (le mensonge à soi-même). Même les systèmes philosophiques n’en sont pas indemnes, qui s’en tiennent s’agissant de la vérité au critère de la cohérence plutôt qu’à celui de la correspondance aux faits.

On serait porté d’en conclure que les hommes ne sont pas faits pour la vérité, bien qu’ils en aient inventé le concept. Ils ne sont pas faux, ce ne sont pas des menteurs, mais ils sont faibles par rapport à la vérité, et l’apparence, l’illusion, les fausses certitudes, comptent autant à leurs yeux. Et il est peut-être bon qu’il en soit ainsi, car la vie ne supporte pas la vérité, et, loin de se présenter sous l’aspect d’une belle jeune fille nue qui sort du puits, elle est ,le plus souvent, terrible.

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