« Il ne doit y avoir aucune guerre, ni celle entre toi et moi, ni entre Etats, et tout conflit doit être résolu par le droit » (Kant). On peut ajouter : il ne doit y avoir aucun conflit, car presque tout conflit repose sur un malentendu. S’il y a pénurie, on peut partager ; s’il y a offense, on peut réparer ; mais rien n’est pire que ces conflits qui commencent par des fâcheries où l’amour-propre est engagé, et qui, nul ne voulant céder, débouchent sur la guerre.
Ce sont là, dira-t-on, des vues idéales, et qui s’opposent à tout réalisme. Mais en philosophie, et particulièrement sur cette question de la paix, l’idéal, loin d’être une vue de l’esprit, est ce qui doit être réalisé, faute de quoi l’humanité court à sa perte. A cet égard, on en saurait se satisfaire de la formule actuelle de la paix comme paix négative, fondée sur la menace d’anéantissement en cas de guerre. Et ce n’est pas tant la crainte de la guerre que l’amour de la paix qui doit conduire à la formule de la paix que Kant appelait de ses vœux, à savoir une paix perpétuelle ; car toute autre forme de paix n’est qu’un répit en vue de la préparation de nouvelles guerres.
Cette volonté de paix ne doit pas être confondue avec un pacifisme béat, et la paix doit être défendue contre les violents. Mais ce ne sont là qu’atermoiements, qui ne font que différer la solution.
Une volonté de paix en vue de mettre fin à toutes les guerres passe par des dispositions pratiques. Tout d’abord politiques : non pas une esquisse de gouvernement mondial (qui a cependant son utilité sous la forme de l’ONU actuel), mais la constitution de fédérations d’Etats, la séparation des Etats étant un des premiers ferments de la guerre (d’où l’importance de renforcer l’union européenne, qui peut servir d’exemple à suivre pour le reste du monde). Ensuite une éducation à la paix,( qui manque cruellement comme matière à part dans les systèmes éducatifs actuels) , à la fois théorique (connaissance des dispositions législatives en faveur de la paix et réflexion sur l’histoire), et pratique (traitement des conflits à l’école et hors de l’école). Une telle éducation doit conduire à l’horreur de la violence sous toutes ses formes, et déboucher sur des pressions de l’opinion en vue d’interdire tout ce qui, tant dans l’espace social que dans l’espace économique, incite à la violence (films et jeux vidéos, sports violents, comportements sexistes, concurrence sauvage assimilant l’économie à une guerre, la « guerre économique ») . Enfin, au terme de cette évolution, la suppression simultanée dans tous les pays de tous les arsenaux militaires.
« C’est impossible ». « C’est contraire à la nature humaine ». Mais la nature humaine peut changer (elle a déjà beaucoup changé depuis l’origine de l’homme). Et ce qui est à la fois impossible et absurde, c’est de continuer sur des voies qui conduisent à la destruction de l’humanité.