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Eloge de la philosophie

Dernière mise à jour : 27 avr. 2023

Eloge de la philosophie Christian Carle Si on demande ce qu’est la philosophie, on peut répondre que la philosophie consiste à penser. A penser et pas seulement à réfléchir, ce que tout un chacun fait à toute heure. Et non à penser à, comme lorsqu’on dit qu’on pense à quelqu’un, mais à penser. Le caractère intransitif du verbe dit assez bien de quoi il s’agit : la pensée se suffit à elle-même, elle ne se propose pas de buts pratiques, on dit qu’elle est désintéressée. En fait ce n’est pas tout à fait vrai, car la pensée cherche, elle cherche ce qui mérite d’être pensé et elle n’est pas renseignée d’avance à ce sujet, elle le découvre à mesure. La pensée pense en pensant, elle chemine, ouvre un chemin de pensée. On peut la rapprocher de la méditation, qui est en effet un exercice de pensée, sauf que la méditation est délibérée, alors que la pensée se nourrit de tout ce qui vient. La question de savoir comment on vient à la pensée n’est pas tranchée, ce peut-être les circonstances de la vie qui en décident. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’arrive pas toute seule, et qu’il faut avoir emprunté bien des chemins de traverse pour déboucher un jour sur un chemin de pensée, un chemin sûr vers lequel les pensées convergent. Je dirai que la pensée est un cheminement, mais que le chemin qu’elle emprunte ne mène nulle part, ou plutôt ramène au point de départ. Le chemin de la pensée est un cercle. Quand on emprunte un chemin circulaire, par exemple un chemin de campagne qui part de l’église du village et qui y ramène, on ne peut pas dire qu’on a rien appris sur le chemin ; au contraire, on s’est nourri de tout ce qu’on a rencontré, un arbre, un oiseau, l’odeur d’un tilleul en fleurs, le murmure du vent dans le sous-bois ; il serait long d’énumérer toutes ces rencontres. Et cependant on revient à son point de départ où tout est resté le même, sauf qu’on y revient un peu plus lourd, un peu plus dense, un peu plus chargé de vie. Il en va de même pour la pensée : en un sens elle n’apprend rien, rien qui puisse se monnayer, mais en un autre sens, ce rien est la vie même, sa richesse inépuisable et sans fond. De la pensée ainsi comprise on peut dire aussi qu’elle consiste à habiter. Habiter le monde, c’est faire qu’il y ait un monde, le peupler. Seuls les hommes ont un monde, les animaux n’ont pas de monde, a dit Heidegger. Un monde se constitue dans la relation qu’un homme entretient avec ce qui l’environne, par cercles de plus en plus larges : sa maison, puis son voisinage, puis le quartier, puis le village ou la ville et ses abords ; les éléments de ce monde entretiennent entre eux un réseau de relations dont l’inventaire est inépuisable : ils font monde, et ce monde est l’œuvre de la pensée. Dans l’Ulysse de Joyce, l’auteur consigne les pérégrinations de son personnage à travers son quartier. Le livre ne raconte rien, Bloom, le personnage principal, va seulement chercher son pain ou quelque chose de ce genre ; et cependant sa pérégrination lève un monde, et sa narration couvre 500 pages. C’est ce que signifie précisément « habiter », et une telle habitation n’est possible que par la pensée qui déploie ce qui existe, la richesse du monde. De là se peut déduire une troisième définition possible de la pensée : penser, c’est le contraire de simplifier. Dans la vie courante, nous sommes toujours amenés à simplifier, pour des raisons pratiques évidentes ; à cette simplification la pensée s’oppose, non par goût de compliquer les choses, mais parce que la réalité est toujours infiniment plus riche que tout ce que nous pouvons en dire ou en voir ; il y a une complication artificielle et une complication qui ramène au simple ; c’est à cette dernière que s’attache la pensée, car au fond elle est simple dans sa démarche, qui consiste à accueillir tout ce qui se donne et que les nécessités pratiques mettent ordinairement de côté ; l’accueillant, elle le réunit dans l’unité du simple, dans l’unité d’un accord ; et c’est ce même accord que révèle le retour à soi au terme de la promenade dans le chemin de campagne. Parce que la pensée dans son fond est simple, elle ne doit pas être confondue avec la philosophie, ou plutôt avec ce monument de culture que constituent les œuvres de la philosophie ; on peut les lire, du moins quelques-unes, mais ce n’est pas nécessaire ; et l’entrée dans la pensée ne dépend pas de ces lectures ; c’est un mouvement qui part de soi et où l’on entre en résonance avec le monde, une expérience ; et il peut même être déconseillé de commencer par les livres pour s’y établir. A un certain moment de son parcours personnel, on rencontre un auteur, et on peut se dire : c’est ainsi -ou ce n’est pas ainsi- que je vois les choses ; il permet, par la convenance ou la disconvenance avec sa propre manière de penser, de préciser sa pensée, mais il n’apprend pas à penser, sauf si on conçoit la philosophie comme une initiation à partir de la table rase et une relation de maitre à disciple, comme dans les sagesses orientales. Philosopher est une manière spéciale de penser, d’après certaines règles, notamment des règles logiques ; dans sa forme questionnante, la philosophie consiste à interroger, à demander qu’est-ce-que ? (ceci ou cela) , le modèle éternel de cette manière de penser ayant été établi par Socrate. Mais, à son point de départ comme à son point d’arrivée, la philosophie s’affranchit de ses propres règles ; son point de départ, c’est « l’étonnement » (Aristote) ; son point d’arrivée, c’est l’illumination (Platon). L’étonnement est indispensable, et quelqu’un qui ne s’étonne de rien ne deviendra jamais philosophe ; l’illumination est le point où toutes les idées convergent, se nourrissent les une les autres et forment un tout ; Spinoza dans le 5ème livre de l’Ethique y est sans doute parvenu ; c’est le point où l’on peut laisser la pensée flotter, parce qu’on sait que toutes les idées se tiennent, et qu’on ne se perdra pas ; mais il est très difficile d’y atteindre, et ce n’est d’ailleurs pas nécessaire pour être philosophe. On peut philosopher continuellement où à l’occasion, sur un point précis. Philosopher continuellement, c’est faire feu de tout bois, et c’est faire de la philosophie sa passion. Quand le cœur de sa philosophie est d’essence morale, on philosophe continuellement, même quand on dort ; quand il ne s’agit que d’appliquer à un sujet quelconque les règles de pensée propres à la philosophie- quand il ne s’agit que d’examiner- on n’y est pas tenu ; c’est le cas par exemple pour un logicien, et c’est le cas lorsqu’une situation embrouillée de la vie oblige à la démêler en lui appliquant les règles du raisonnement philosophique. Des deux attitudes, il est difficile de dire quelle est la meilleure ; d’un côté, il ne faut pas trop s’éloigner de ses semblables, et la philosophie doit rester ouverte ; d’un autre côté, il faut être conséquent. Personnellement, j’aurais une préférence pour un certain laisser-aller, et pour ne pas être philosophe 24H sur 24. Manger en philosophe, s’habiller et se déplacer en philosophe, c’est adopter un rôle et se couper de la vie ; certaines grandes figures de l’antiquité, comme Diogène, l’ont fait, pour mieux frapper leurs contemporains ; la philosophie alors était encore jeune, et pouvait passer pour la solution ; nous n’en sommes plus là aujourd’hui, et la philosophie doit rester modeste ; elle le doit surtout parce que le fond du savoir, c’est l’ignorance (mais ajoutait Pascal, c’est une ignorance qui se connaît) ; c’est ce que pensait déjà Socrate, qui à ce titre reste le prince des philosophes. Il y a aujourd’hui nombre de tyranneaux philosophiques qui prétendent exhiber un discours vrai, mais leur enthousiasme philosophique prête à sourire : ils n’ont pas appris la modestie et veulent jouer un rôle dans le monde, au risque de s’y brûler les ailes. La philosophie questionne, elle met en question ; mais elle ne prétend pas apporter de réponse, seulement mettre à jour l’insuffisance des réponses déjà données et creuser davantage. Cette position irritera toujours ceux qui sont en quête de réponse, mais elle réjouira toujours ceux qui ont le goût de la pensée . En acceptant sa part définitive d’ignorance, la philosophie rejoint la pensée, en ce qu’elle contient d’incertain ; la pensée se tient sur une ligne de crête, elle sait qu’elle est bordée de toutes parts par de l’impensé et elle s’en contente ; les pensées viennent, on ne sait d’où, on dirait de nulle parts, de toute la vie derrière soi accumulée ; elles viennent sans effort, on les trouve mais l’expérience nous les donne, elles nous sont offertes à partir d’un fond qui est à nous et plus qu’à nous , qui est fait de tout ce qui en nous et hors de nous a pris forme vivante. C’est pourquoi la pensée est inséparable d’une forme d’acquiescement : ni pour ni contre le monde, mais avec lui. Pour qualifier la pensée, Heidegger a utilisé le mot « denken » qui en allemand signifie à la fois penser et remercier. Penser, c’est témoigner et s’acquitter de sa part envers le monde, lui rendre ce qu’il nous a donné. c’est connaître au sens de reconnaître, et dans tous les sens du mot reconnaître : revenir sur ce qu’on n’avait fait qu’effleurer pour le mieux connaître, se porter en avant pour ouvrir des chemins, et reconnaître sa dette, faire preuve de reconnaissance. Penser, c’est remercier. Une saison et une autre encore, une année et puis une autre… D’une certaine manière, c’est le monde lui-même, en l’éternité de ses cycles, qui nous invite à penser, et qui prépare un séjour pour la pensée. Il dit le même, mais en le creusant toujours davantage, et la pensée l’accompagne. Les années se font plus intenses, les saisons toujours plus belles. C’est un ressassement, mais non une répétition ,un ressassement qui ajoute, qui approfondit. Le mystère s’éclaircit, la vie se fait à la fois plus légère et plus grave, plus précieuse. Il faut concevoir la pensée comme un processus de croissance, tel celui de l’arbre ; elle ajoute cercle à cercle, et tourne autour d’un même centre, qui nous demeure inconnu ; elle y revient sans cesse, inlassablement, elle bâtit ; elle s’éloigne du cœur nourricier, mais tout à la fois le protège : rien du dehors ne saurait plus atteindre son âme vivante. Et il importe peu que cette âme nous demeure inconnue et que nous ne sachions pas qui nous sommes, car nous voilà grandi, et c’est un bel arbre, qui tiendra sa place dans le monde. Il est splendide, incomparable, il attire à lui toutes sortes de formes de vie. Beaucoup d’années ont passé sur lui, beaucoup de forces l’ont agressé et ont tenté de l’abattre ; mais il a résisté et il est debout, il rayonne. Il s’est tourné vers le ciel et le ciel s’est ouvert, il a étendu ses racines et la terre les a accueilli. Ce n’est qu’un arbre parmi d’autres, et pour le regard distrait, un petit mystère ; mais il a ajouté au monde, et ne lui a rien pris. Telle est l’œuvre de la pensée quand on y est fidèle. Elle bâtit. « Je crois aux forces de l’esprit » déclarait Mitterand. Il faut y croire en effet, et s’y obstiner dans un monde qui y croit assez peu. C’est une plante fragile, qu’un rien peut détruire, et tout le projet de la philosophie consiste à écarter d’elle toute violence, afin qu’elle puisse croitre ; mais quand des hommes se mettent ensembles autour d’elle pour mener sa croissance à terme, elle les rend à peu près invulnérables. L’expérience de plus de 20 ans de Café-philo montre ce qu’il en en est de la pensée. Elle ne produit aucun résultat, au sens où on n’amasse pas des pensées comme on amasse de l’argent ou des biens, et il faut toujours partir sur de nouveaux frais ; mais à tout prendre, la vie non plus ne produit aucun résultat autre que le fait de vivre ; la pensée est comme la vie, aussi gratuite et peu soucieuse d’amasser, et en un sens elle est la vie même, en sorte qu’à la question: que faut-il faire de sa vie ?, la réponse est qu’il faut la penser ; les buts pratiques et les réalisations pratiques ont leur importance, mais ils restent à la surface de la vie ; c’est comme si elle attendait d’être pensée, comme si elle était de nature spirituelle et qu’elle attendait qu’on réveille l’esprit qui sommeille en elle. Qui est passé à côté de la pensée a vécu sa vie comme un songe ; mais comprendre que vie et pensée sont faits l’un pour l’autre, et qu’elles sont aussi liées entre elles que la nuit l’est au jour, c’est comprendre la nature intime de la vie. La plante et l’animal, la pierre elle-même, tendent vers la pensée et y échouent ; mais dans l’esprit humain la vie se recueille et trouve son lieu ; en sorte qu’il n’est pas excessif de dire, à la manière du poète, que qui a pensé le plus profond est aussi le plus vivant. Or il se trouve que ce n’est pas du tout ainsi que la plupart des gens l’entendent. Pour eux, la pensée est l’opposé de la vie, et la vie consiste à agir et à faire ; de fait il faut choisir entre agir et penser, et il est tout à fait impossible de faire les deux à la fois. Dans le Phédon, Socrate évoque une rumeur qui court comme quoi il existe une certaine secte de gens qui se font appeler « philosophes » et qui sont déjà comme morts. Rendre problématique ce qui est effectué spontanément, c’est adopter une attitude de retrait et c’est comme se retirer de ce que les gens appellent « la vie » ; une telle attitude inquiète et ne semble pas naturelle, en particulier lorsqu’elle porte sur ce qui est partagé par tous, des opinions, des comportements, des croyances ; on l’accuse de scepticisme, de misanthropie, voire de nihilisme ; lorsque tout va bien, cette attitude paraît futile, et elle ne révèle son utilité qu’en temps de crise, quand il devient urgent de penser ce que l’on vit. Il faut voir que nous nous accordons sur des mots dont le sens est fixé arbitrairement, et une fois admis cesse d’être interrogé ; c’est ainsi qu’une société fonctionne, et l’on ne peut pas à tout bout de champs remettre en question ce sur quoi on s’accorde tacitement ; mais au fond nous ne savons pas ce qu’est au juste la justice, l’égalité, le courage, la beauté, etc… ce sont des concepts qui désignent des valeurs, et on ne touche pas aux valeurs ; dès qu’on essaie d’y regarder de près, on est perdu ; c’est ce qu’attestent les dialogues socratiques, qui sont aporétiques, c’est-à-dire qui ne débouchent jamais sur une solution à la question posée. Cette recherche pourrait paraître vaine, sauf si le flou qui entoure certaines notions ne débouchait parfois sur des monstruosités, comme des crimes de masse commis au nom de la justice. S’impose alors avec la nécessité de penser la découverte que dans la vie courante nous ne pensons quasiment jamais, et que même nous faisons tout pour l’éviter. Penser commence avec ce que Hannah Arendt appelle le « deux-en-un » : lorsque nous sommes avec les autres, c’est-à-dire le plus clair de notre temps, nous sommes tels que nous apparaissons aux autres, c’est-à-dire uns ; engagés dans une forme quelconque d’action, il n’y a pas lieu pour nous de penser ; mais lorsque nous sommes seuls, nous sommes deux-en-un, et nous pouvons poursuivre l’échange sous la forme d’un dialogue avec nous-mêmes ; or ce deux-en-un qui est l’autre nom de la conscience, la plupart des gens font tout pour l’éviter, et ils continuent de s’apparaitre à eux-mêmes dans la solitude sous une forme d’existence naturelle, comme s’ils étaient uns et toujours avec les autres. La force qui nous attire vers les autres, et qu’on peut qualifier psychologiquement sous les noms de sympathie ou d’altruisme, c’est le souci d’éviter ce deux-en-un et la pénible obligation de penser qu’il impose. Avec les autres, on s’oublie ; on se laisse porter. Cette force est d’un grand secours pour la consolidation de la vie en commun, mais elle est aussi la source de tous les conformismes ; et c’est en effet la raison pour laquelle la figure du philosophe, qui quant à lui assume le fardeau du deux-en-un, peut paraître à certains étrangère à la vie. Ce serait le cas si la vie se suffisait à elle-même, et si, à la manière de la vie animale, elle atteignait infailliblement son but ; dans ce cas, le philosophe ne serait qu’un parasite, hostile à la vie. Cependant les hommes sont pris dans les rets du langage et leur raison déraisonne, ils ne savent pas ce qu’ils font. L’attitude qui convient à un philosophe est double : d’une part, il ne veut pas se conduire en imprécateur, et il veut rester proche de ses semblables ; il sait qu’il n’en sait pas plus que les autres, mais il voit là où le bât blesse, et il a le courage de le dire ; Socrate qu’on accusait d’impiété s’en défendit lors de son procès, et il affirma qu’il était plus pieux que ses concitoyens, mais que c’était d’une foi plus exigeante que la leur : de même, il se conforma aux lois de la cité qui prononçaient sa condamnation, alors même qu’il avait passé sa vie à les critiquer. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’ironie de Socrate. L’ironie est essentielle à la philosophie, parce qu’elle met de la distance : quoi qu’on fasse, on n’ira pas jusqu’à la vérité, on s’en approchera tout au plus ; ce n’est pas une ironie méchante, elle ne vise pas la personne de l’interlocuteur, seulement à rappeler une certaine relativité de la recherche : nous ne sommes pas des dieux. Pour autant , un philosophe n’est pas un sceptique, il ne renvoie pas dos à dos toutes les positions ; mais ce n’est pas non plus quelqu’un qui prend parti, et il trouve du bon chez ses contradicteurs. C’est pourquoi le forme privilégiée de l’activité philosophique est le dialogue, et à la rigueur le débat ; le dialogue est plus apaisé que le débat, qui suppose des positions tranchées ; mais il peut être parfois utile de partir de positions tranchées pour mettre en lumière ce qu’elles ont d’insoutenable. Quand le débat philosophique évolue vers la sérénité du dialogue, c’est le signe que les interlocuteurs sont dans la bonne attitude ; ils communient dans la recherche commune, et aucun ne cherche à prendre le pas sur l’autre ; chacun apporte sa pierre, en pensant à partir de soi sans se laisser troubler, mais sans perdre de vue le point de vue de l’autre.. Cette expérience quand elle est réussie fait du dialogue philosophique une scène privilégiée de la vie collective, à l’exact opposé de la plupart des situations de la vie courante.. La philosophie se remet à peine aujourd’hui d’une montée en tension provoquée par les guerres idéologiques du 20ème siècle, et où les idées étaient les principales armes de combat. Enrôlée dans ces guerres, elle était devenue jargonneuse et mystificatrice, largement incompréhensible au grand public. Il est pénible de constater à quel point gagnée par l’ivresse des mots elle s’est laissée aller à des divagations et s’est laissée entraîner dans des aventures, au point de devenir parfois sa propre caricature. Mais la philosophie ne peut avoir pour objet que d’aiguiser sa conscience et celle des autres ; c’est une tâche modeste et qui se passe de publicité, mais à passer outre, on renonce à philosopher ; les déclarations à l’emporte-pièces, les gesticulations, les mises en scène médiatiques, n’y changent rien ; si on fait ce travail, on peut ensuite aller sur la place publique et s’y rendre utile, si on en éprouve le besoin ; mais tout en gardant à l’esprit que la philosophie préfère l’ombre, et en se gardant de l’euphorie. Il ne s’agit pas d’une préférence pour la tour d’ivoire, mais de commencer par le commencement ; et cette attitude est plus politique qu’il n’y paraît. Aiguiser sa conscience et celle des autres, prendre à cœur ce qui se joue dans le rapport des consciences entre elles, cela s’appelle penser ; c’est donc à la portée de tout homme si-mais faut-il le rappeler ? Penser est le propre de l’homme. Et si la pensée procède pas à pas, et par là décourage les impatients, on dit aussi d’elle qu’elle va à la vitesse de l’éclair, et cet éclair peut parfois changer la vie d’un homme.

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